Liberté de la presse vs sacralité de la santé du Roi

Dans un geste progressiste, un communiqué du palais royal, premier du genre ( Cf communiqué sur la bonne santé du Roi ), informe les marocains que « SM LE ROI EN CONVALESCENCE DE 5 JOURS, MAIS SON ÉTAT DE SANTÉ NE JUSTIFIE AUCUNE INQUIÉTUDE ». Nous ne pourrons que se féliciter d’un acte de transparence de haute qualité et souhaiter prompt rétablissement au Roi.

Le cœur du communiqué parle de « Sa Majesté le Roi Mohammed VI, que Dieu L’Assiste, présente une infection à rotavirus avec signes digestifs et déshydratation aiguë nécessitant une convalescence de cinq jours ». Voilà ce qui donne envie au commun des mortels, de savoir ce que c’est ce rotavirus.

La presse écrite marocaine s’est saisie de l’occasion de l’ouverture et la transparence affichée par l’institution centrale du pays et a cru, comme tout le monde, naïvement, que « l’information est sacrée, le commentaire est libre ». Chaque publication fera son affaire pour donner le scoop, commenter l’événement de transparence inédit et surtout expliquer ce que veux dire ce mot bizarroïde de rotavirus.

Premier acte après la publication des dossiers, « Le parquet près le tribunal de première instance de Rabat a ordonné à la police judiciaire de diligenter une enquête minutieuse avec le directeur de publication du journal “Al Jarida Al Oula”, suite à la publication, le 27 août 2009, d’un article intitulé “la maladie du Roi reporte les causeries religieuses et Son déplacement à Casablanca”, ainsi qu’avec toute personne impliquée dans cette affaire ». Ali Anouzla et Bouchra Addou passent plus de 80 heures d’interrogatoires, notamment sur la source qui leur avait révélé que le Roi « était atteint d’asthme et qu’il est traité de médicaments à base de corticoïdes ». Mieux encore, le parquet ne lui suffit pas deux journalistes. Il interpelle les journaux Alayam et Almichal.

Alayam a titré « la vérité de la maladie de Mohamed VI ». Dans son dossier, la publication se demande si le Roi « souffre d’une maladie de l’asthme » et martèle que « seul Dr Maouni, médecin du Roi, est capable de répondre ». Abdelkrim Elmanouzi, spécialiste de l’appareil digestif, figure de gauche de l’USFP, explique que le fait que « le Roi soit atteint du rotavirus est une chose normale, parce que c’est une maladie démocratique » ! Il ajoute « que c’est une maladie normale qui ne nécisste pas plus d’une semaine de convalescence ».

Almichal, quant à lui, a consulté un autre spécialiste, Boubekri Mohamadine, membre du PSU et président du syndicat libre des médecins. Le pauvre Toubib de gauche a subi un interrogatoire pointu de plusieurs heures. Fait rapporté par Le soir Echos dans sa livraison du Mardi 08 Septembre.

Dernier développement dans l’affaire, « Le directeur de publication du journal « Al Jarida Al Oula », Ali Anouzla et la journaliste Bouchra Edaou, auteur de l’article « La maladie du Roi reporte les Causeries religieuses et Son déplacement à Casablanca », publié par le journal, comparaîtront le 29 septembre devant le tribunal de première instance de Rabat », selon un communiqué de la MAP.

Récapitulons : 10 journalistes ont subi des interrogatoires marathons, un médecin interpellé. Le communiqué officiel initial parlé de « fausses informations concernant la santé du Roi » qui n’ont pas de lien avec « la vérité » que contient le communiqué. Je ne suis pas peut-être spécialiste de la presse, mais je ne comprends pas qu’il puisse exister, avec mon background, « une vérité » que la presse serait obligée de relayer. Bien sur, comme d’habitude, quand tu fais taire ta presse, celle des autres, qui généralement n’a aucun souci national, profite pour te donner des leçons, ne serait-ce qu’ici, ici et . Fekha yamen we7eltiha. Je pense à notre camarade khalidov, qui me traitera de tous les noms. Tout simplement, vous faites la gaffe, après vous venez criez, au nom du patriotisme, que l’on soit solidaire face à cette presse, qui si vous la contrôliez, elle sera aussi sous le verrou. Et remarquez que je n’ai aucune sympathie pour cette presse, je défends tout simplement un principe universel, qui s’appelle la liberté d’expression, qui, selon l’artcile 19 de la déclaration universelle des droits de l’homme, veut dire « Tout individu a droit à la liberté d’opinion et d’expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d’expression que ce soit. ». Je suis sur que le Roi, comme il l’avait montré dans de précédent cas, fera signe d’indulgence et abandonnera la poursuite collective des journalistes !

Remarque qui n’a rien à voir avec ce qui précède. Le journal arabophone du parti du premier ministre titre à sa une samedi dernier : « La compagne agressive contre ce chef d’Etat [Cf Kaddafi] frère est la cause de la convocation du président du polisario à la Libye ». Cela ne mérite pas une poursuite, dans la même logique, pour information abrutissante touchant la sacralité de la cause nationale !

9 Réponses

  1. Il ne faut pas oublier que la momarchie a toujours fonctionné par symboles, par signes!

    Elle a des codes que l’on doit respecter!

    C’est ainsi et pas autrement! Cela n’a rien à voir avec la liberté d’expression ni la liberté de la presse!

    Dans cette affaire, la monarchie a fait un pas énorme en mettant sur la place publique le problème de santé du souverain! C’était un signe, un symbole que notre presse n’a pas compris, elle n’en a pas saisi la portée.

    Nos journalistes friands de sensationnel – la seule chose qui fasse encore vendre la presse depuis la faillite de la politique – a cru que tout était permis, MEME LES SPÉCULATIONS LES PLUS FOLLES ET LES INFORMATIONS ANONYMES ET INVÉRIFIABLES!

    Ce n’est pas le problème de la SACRALITE qui est en jeu, le communiqué officiel a « humanisé » la personne du roi! C’est le problème de la presse et de son rôle qui est posé!

  2. J’ai une autre lecture, j’ai parlé de l’absence d’opposition dans un de mes billets, et il me semble que le cercle du pouvoir cherche désespérement à en créer, quitte à la banaliser : un blogueur, un journaliste, un tagueur, …

  3. Dans un pays aussi sensible a la critique que le Maroc pour eviter de mettre en danger la securite de l’etat ,la sante du roi , la famille royale et sa vie privee ne doivent pas etre exploitees par les journaux pour augmenter leurs ventes .
    Quand est-ce que ces effrenes, ces espiegles ,ces irrepressibles et defiants journalistes vont-ils se rendre compte que tout ce qui touche la famille royale est hors limite?
    En agissant a plusieurs reprises d’une maniere impudente ,, ces ehontes et irrespectueux journalistes ne rendent pas service a notre pays.

  4. Ta dernière remarque ui n’a rien à voir avec ce qui précède me fait penser aux chroniques de Mokhtar LAGHZOUI, publiées dans Al Ahdat Al Maghribya!

    Et justement, ce jeune journaliste a une approche très pertinente que nous devrions méditer de cette histoire …

    Il relève dans sa chronique datée de lundi le manque de sérieux des journalistes qui ont traité cette affaire. Il le fait avec beaucoup de respect pour ses ollègues et c’est pour cela que son analyse est intéressante, car elle éname d’un homme du métier!

    Je te conseille de lire ce papier si ne l’as pas déjà fait …

    Pour le citoyen lambda que je suis, je trouve que danns ce cas précis, il n’y a pas de clash entre la sacralité du souverain (notion qui reste d’ailleurs à définir et surtout à préciser) et la liberté de la presse!

    Un journaliste a-t-il de droit de dire n’importe quoi au nom de la liberté de la presse? A-t-il le droit de semer le trouble dans l’esprit des citoyens ou celui de publier les ragots qui se répètent dans les cafés ou les salons?

    On ne peut pas au nom d’un principe universellement accepté donner à la presse toute la liberté sans en exiger une contrepartie.

    Aucune liberté n’est absolue, totale et inconditionnelle sauf celle de PENSER !

    Quant aux donneurs de leçons étrangers, il ferait mieux ce balayer devant leurs portes, à commencer par les médias français aussi prompts à nous fustiger qu’à se coucher devant le pouvoir en place chez eux! Et eux n’ont pas l’excuse d’être dans les balbutiements de la démocratie, comme nous!

  5. @Mounir:
    il ne faut pas aller chercher très loin dans l´article 19 de la déclaration univ.des dr.de l´Homme, il y a l´article 9 de la constitution qui garantit à tous les citoyens: la liberté d´opinion et d´expressions dans toutes ses formes et la liberté de réunion. que tout le monde à tendance de l´oublier, surtout de nos gouvernants: alors qu´on respecte la constitution, la loi suprême de notre pays..
    quant au code de la presse marocaine, c´est à refaire, il y a que des sanctions, le mot liberté d´expression apparait rarement dans le texte de la loi….

  6. @Safi Baraka! : « Quand est-ce que ces effrenes, ces espiegles ,ces irrepressibles et defiants journalistes vont-ils se rendre compte que tout ce qui touche la famille royale est hors limite? » : ils devraient être des comploteurs nihilistes irresponsables et traitres. Faisons la part des choses. « tout ce qui touche la famille royale est hors limite » : la monarchie communique sur l’état de santé du monarque, sur son mariage, … ne soyons pas plus royalistes que le Roi.

    @ Hmida : j’aime bien aussi Mokhtar, il est percutant et surtout persuasif et équilibré. Ce que je déplore dans ces affaires, c’est la tension que l’on crée autour de ces questions : la tension avec la presse écrite mènera-t-elle à plus de respect de l’intimité d’autrui ou à l’auto-censure qui finit par tuer la liberté. Je suppose que ces 10 journalistes ont eu tort, n’est-il pas temps de se pencher sérieusement à la question de la presse, de la liberté d’expression, aux « constantes » de la nation? Le sujet est bcp plus profond qu’une simple poursuite collective.

    @ moustapha : je vais aller plus loin, le Roi a lui même renié à poursuivre Assahifa qui a écrit que « le souverain aurait touché une commission dans l’affaire de Talsint », dans un geste noble à double sens : il reconnait que le journalisme n’est pas une science exact ( il est normal qu’il fasse des erreurs ) et il donne l’exemple de l’ouverture d’esprit. Comme tu l’as soulevé dans ton billet sur ton blog, les questions de la loi, les droits humains, la justice, … sont un tout indissociable qui donne des outils d’analyse de la situation enchevêtrées entre média, pouvoir, constitution, économie, …

  7. La symbolique, les codes, les armoiries et même le draprau et l’hymne sont tous des créations récentes. La notion d’ « sacralité » est une innovation (au sens péjoratif du corpus arabo-musulman = une ‘ bid3âa) et date de la période où Allal Fassi présidait le ‘Conseil Constitutionnel’…
    Le Protectorat a constitué une rupture brutale dans la tradition sultanienne marquée par la révolte berbère en 740 et qui a permis à l’ « empire chérifien » de demeurer indéêndant des pouvoirs centraux de l’empire islamique
    La réaction de la maison royale à l’égard des journalistes, quotidiens et périodiques qui repris le communiqué officiel sur la santé royale et ont essayé de lui donné d’autres interprétations, sont dans leur droit de traiter l’information (comme bon leur semble etsous toutes les formes) est disproportionnée à plus d’un titre
    Et justement cette réaction met en cause l’essence même des prescriptions constitutionnelles. Quant à l’accusation de progration de fausses nouvelles est totalement tendancieuse et en violation des procédures légales en la matière
    Pour ce qui est des constantes, il faut s’entendre. Les constantes d’un Etat-nation ne se dictent pas un pouvoir quelconque, seule une ‘ assemblée constitutionnelle ‘ souveraine et représentative au sens populaire est habilité à les définir. La loi fondamentale actuelle et qui date du 7 décembre 1962, telle qu’elle a été complété et modifié ou amendée, demeure frappée de l’infamie de « confiscation » de la souveraineté populaire et le référendum l’ayant adopté de fraudes électorales massives (74 %).
    Dans ce sens, les lignes rouges et les constantes dont elles découlent sont contestables
    Le fait même que se soit Le Palais qui ordonne une ouverture d’information à l’encontre desdits journalistes et les oganes de presse les employants ainsi que le médecin qui a eu le malheur de donner de son avis médical est déjà une « hérisie » en soi et une violation de la procédure. Le Parquet relève de l’autorité du Ministre qui en assume organiquement le tutelle. Le Parquet lui-même a toute la latitude pour procéder à l’ouverture d’une telle information judiciaire mais que ça se soit le Palais, il y a vice de forme impliquant purement et simplement l’annulation desdites poursuites et toutes les mesures policières engagées à l’occasion donnent lieu à réparation pour préjudices en faveur des mis en causes indûment
    La position du Roi dans l’affaire Assahifa sur laquelle j’ai amplement écrit et particulièrement sur le forum e-marrakech, à l’époque, était justifiée par le rôle joué par un membre de la famille royale impliqué dans un tel scandale bien avant même l’adoption du code des investissements dans la recherche des hydrocarbures et les textes subséquents. L’annonce en grande pompe de la découverte de quatités substantielles du pétrole par le Roi lui-même n’est pas sans lui porter préjudice ainsi que sa crédibilité toute aussi « royale »
    Les Marocains-es n’en savent toujours rien jusqu’à aujourd’hui des tenants, aboutissants et conséquences de ce scandale. Dans ce sens, l’affaire As Sahifa et son étouffement participe au maintien du statu quo sur ladite affaire
    Je relève aussi, à l’occasion, un manque de cohérence. Le discours royal était tout entier consacré à la réforme de la justice, à ses axes, préalables et implications et pourtant le Palais continue d’agir comme si notre justice mérite un quelconque crédit du manque justement de son indépendance et son déficite en termes de crédibilité
    Les libertés d’opinion, d’expression et de presse sont définis par la déclaration universelle des droits de l’homme dont le Royaume est signataire et prime, de fait et de droit, aux lois nationales. Le préambule de la « constitution » en fait mention et la jurisprudence de la ‘Cour suprême du Royaume’ milite dans le sens de ladite suprématie et Driss Dehak n’a pas manqué de le souligner dans un de ses célèbres discours en remettant justement au Roi les recueils de ses arrêts jurisprudentiels
    Il y a beaucoup de choses à dire que ces atteintes aux libertés et droits fondamentaux et sur le style de gouvernance du Palais en sa qualité comme centre du Makhzen
    Omar Seghrouchni a déjà traité de cette question in ‘Le Journal Hebdomadaire’ sous le titre « Monarchie: entre Makhzen et Démocrates », n° 1 [vol 2] du 15 au 21 septembre 2001.

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